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L'abeille noire : chronique d’une disparition annoncée ?

  • Le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles

Depuis une vingtaine d’années, les abeilles disparaissent massivement partout dans le monde. Dans les ruchers les plus touchées, les apiculteurs enregistrent jusqu’à 90% de perte (abeilles mortes, incapables de produire du miel ou qui ne reviennent jamais). On appelle ce phénomène le « syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles ». En Europe, les taux annuels de mortalité entre 2012 et 2014 étaient autour de 23% en moyenne*, contre 5% à 10% de mortalité naturelle. En cause ? Plusieurs facteurs, et leurs effets conjoints : pesticides, notamment les néonicotinoïdes, perte de la biodiversité liée à l’agriculture industrielle intensive, virus, parasites tels que le varroa, champignons comme Nosema cerranae, frelon asiatique etc.

Outre ces facteurs qui affectent tous les pollinisateurs, des menaces spécifiques pèsent sur l'abeille noire : une mauvaise réputation et l’importation massive d’essaims d'abeilles non locales.

* programme d’observation Epilobee

 

  • La mauvaise réputation

L'utilisation de l’abeille noire par les apiculteurs a fortement reculé car elle a la réputation d’être agressive et de produire peu de miel. L'abeille noire n'est certes pas une abeille docile. Pour certains, cette capacité à se défendre, cette réactivité au stress, est même un avantage car elle oblige les hommes à adopter des pratiques apicoles qui respectent sa nature. Des scientifiques ont montré par ailleurs que ce sont surtout les abeilles hybrides, issues des croisements entre abeilles importées et abeilles noires, qui sont agressives et difficiles à manipuler. Quant à son supposé faible « rendement », les connaisseurs avancent qu’il est largement compensé par sa frugalité, le peu d’interventions qu’elle nécessite et sa régularité, les butineuses noires travaillant aussi par mauvais temps et étant plus performantes sur les floraisons précoces et tardives.

 
  • L’importation massive d’essaims

Du fait de cette réputation d’abeille nerveuse et peu productive, et en l'absence de marché local d'abeilles noires, les apiculteurs professionnels français se sont tournés vers l’importation de sous-espèces aux rendements plus importants à court terme : l'abeille italienne (Apis mellifera ligustica) dans les années 30, pour butiner le colza ; l'abeille caucasienne (Apis mellifera caucasica) dans les années 50, leurs trompes plus longues pouvant butiner le trèfle ; la Buckfast, une souche issue de multiples croisements opérés par un moine dans l’abbaye du même nom.

 

Il n’existe aucune mesure légale nationale ou européenne qui permette de réguler ces importations d'un point de vu génétique. Certains états, notamment l’Italie dont les abeilles sont les plus utilisées dans le monde pour l’apiculture, n’ont aucun intérêt à une telle réglementation.

 

L’hybridation, ou métissage, qui résulte de ces importations, participe pourtant à la fragilisation de la sous-espèce locale. Croisées avec des abeilles moins autonomes et moins adaptées au milieu, les abeilles hybrides sont plus faibles et demandent davantage de soins et d’entretien. A terme, ces abeilles métisses risquent de ne plus comporter ni les caractéristiques initiales de l’abeille importée (docilité et rendement), ni les capacités de résistance de l’abeille noire.

 

Une tendance préoccupante : l'importation massive d'essaims étrangers

5% d'abeilles importées en 2007 contre 45% en 2012. En Île-de-France, le taux a même grimpé à 80% en 2014.

 

Source : Bourges A., La Montagne, 2015.

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